Nanard a écrit :super intéressant le truc sur la surconsommation des antibiotiques, j'imagine que c'est parce que ça rend les bactéries plus résistantes ?
Oui globalement, c'est ça l'idée, il y a une selection qui se fait du fait d'une très mauvaise utilisation des antibiotiques (particulièrement en France). Les gens l'utilisent n'importe comment, n'importe quand (du style, un patient m'a déjà répondu, "je sais que c'est un virus mais je me connais, il va pas guérir sans antibiotique" ....ça a l'air de rien, mais j'entends ça en boucle, y compris chez les medecins ce qui a le don de me facepalmer ...)
J'ai encore eu un bel exemple de resistance ce jour avec une patiente qui avait une infection urinaire avec une klebsiella hautement resistante ... bonjour pour trouver le bon antibio ...
Nanard a écrit :perso mes principes m'empêcheraient de faire ce compromis :/
Sincèrement je comprends mais dis toi que tu n'as pas trop le choix de faire quelques concessions pour gagner la confiance des patients et faire accepter plus facilement tes idées.
Par exemple, pour les antibios, la plupart des medecins que je remplaçais utilisaient n'importe comment les antibios (systématiques pour les bronchites alors que c'est à 90% viral, pas de test de detection rapide pour les angines alors que c'est la règle, ...) et ça se ressentait dans leur patientèle si bien que pour n'importe quoi ils "exigent" un antibio sous peine de revenir 2 jours après (quand c'est pas le lendemain).
J'ai pas encore réussi pour tous, mais progressivement en gagnant leur confiance, j'ai pu progressivement imposer mes idées en faisant au départ quelques concessions indispensables puis y intégrer ma vraie manière de faire.
J'ai plein d'exemples de la sorte (du style l'utilisation des hypnotiques, là aussi en surconsommation en France).
Bref, oui, on a tous des principes, mais parfois, justement il faut voir tes priorités et pour imposer tes grands principes, tu dois parfois en sacrifier (transitoirement) quelques autres sous peine de braquer l'ensemble des gens et au final c'est contre productif, tu ne les soignes pas, ils ne t'écoutent pas et à la première occasion, ils voient ailleurs (j'ai en souvenir une petite vieille à qui je voulais pas donner de nouveaux somnifères car elle était totalement accroc, je lui avait donné un truc pour le coup pas dangereux et sans accoutumance, le lendemain, une amie qui travaille aux urgences m'appelle pour me dire qu'elle a vu ma patiente pour exiger des somnifères car elle avait pas confiance au médecin remplaçant (donc moi :))
Mme Doloko a écrit :
D’où ta conclusion sur le sujet du libre arbitre qui se repose sur une croyance même selon tes dires.
Le problème principal, c'est que la plupart des patients jugent alors qu'ils ne connaissent pas les tenants et les aboutissants et préfère écouter les raccourcis simplistes et les ragots plutôt que des discours argumentés.
Et il y a pas mal de médecins qui baissent les bras à force d'essayer de convaincre et qui finalement disent amen à toutes les demandes des patients pour se faire "aimer" et fideliser sa patientèle.
Le problème étant toujours l'inévitable théorie du complot (les vaccins servent à rien, c'est dangereux, on prescrit des médicaments car les labo nous offrent des vacances à Ibiza, ...)
A partir de là, je me dis que le libre arbitre est largement biaisé. Pas pour rien qu'en France il y a des vaccins obligatoires pour les enfants et les parents n'ont pas leur mots à dire. La haute autorité de santé estime que les parents n'ont pas tous les tenants et aboutissants en main et que les enfants n'ont pas encore les capacités pour savoir ce qui est bon pour eux, donc l'état endosse cette responsabilité.
Bluup a écrit :
Non non ce que je voulais souligner c'est que tu es assez catégorique, alors que rien n'est jamais définitivement prouvé.
C'est certain que notre devise est "Je sais que je ne sais pas" et ce qui est valable aujourd'hui ne l'est pas forcément demain.
CEPENDANT, l'ensemble des arguments actuels de la médecine moderne repose sur des études scientifiques pour la grosse majorité sérieuses, ayant nécéssité de nombreuses étapes d'études et de nombreuses années et dont les tests s'effectuent encore "in vivo".
Alors que la plupart des medecines parallèles reposent sur des croyances et d'un effet placebo/nocebo.
Bluup a écrit :y'a des gens qui se soignent à l'homéopathie, ça a l'air de marcher un peu, alors quel est le principe physique qui se cache derrière ?
Alors c'est assez simple de te répondre il y a plusieurs facteurs :
- Il existe un effet placebo certain. En gros si tu arrives à bien convaincre ton auditoire, tu arrivera à faire passer un bonbon pour un médicament miracle et tu verras que si tu es convaincant, ça marchera pour pas mal de gens. Le psychisme en medecine est extrêmement puissant et influe sur énormément de maladie, les maladies psychosomatiques, bien entendu qui reposent essentiellement sur le psychisme (en gros c'est comme quand tu as mal au ventre et la chiasse pendant des examens) mais ceci est également vrai pour les maladies graves voir mortelles (par exemple j'ai un patient qui a un cancer généralisé que j'aurais jamais vu passer l'été mais il a un moral d'acier et il est plus en forme que jamais, à l'inverse j'ai annoncé à un patient un cancer qui aurait du être facilement guérissable mais c'était comme si le monde lui était tombé dessus et à cause d'une depression, il en est mort 2 mois après).
- Attention cependant, s'il y a un effet placebo certain, un médicament homéopathique reste un médicament et n'est PAS un placebo !
La différence est extrêmement importante et c'est ce qui rend l'homéopathie encore plus problématique.
Un placebo est une substance inerte qui n'a absolument aucune propriété, qui ne peut donner aucun effet bénéfique (en dehors du fameux effet placebo) mais en l'occurence il ne donnera aucun effet indésirable.
Ce n'est pas le cas de l'homéopathie qui contient un principe actif mais dont son bénéfice n'a pas été démontré par la science et par les études (ou en tout cas, il n'a pas suffisamment fait ses preuves au regard de son coùt et des ses effets indésirables).
cependant qui dit effet bénéfique dit forcément effet indésirable potentiels et c'est bien là le plus gros problème, si on est pas sûr qu'il fera du bien au patient, on est quasi persuadé qu'il peut lui faire du mal.
L'autre problème étant que les patients ont tendance à substituer ces "médicaments" (je parle plutôt de remède ... )à d'autres médicaments qui eux ont prouvés leur efficacité et j'estime que c'est une véritable perte de chance pour le patient.
Ma position avec ces derniers est de faire la concession d'accepter la "présence" de ces traitements tout en glissant les bons médicaments et privilégier la complémentarité plutôt que la substitution.
ça peut vous paraitre dangereux de procéder comme ça, mais c'est encore le meilleur moyen que j'ai trouvé pour aider au mieux (ou au moins pire) les patients qui trouvent de toute façon ces remèdes en libre vente en pharmacie et que je sais que n'importe quel "médecin" du coin va leur apporter.
Progressivement, j'arrive à gagner leur confiance et donc de leur donner de meilleurs conseils.
Bluup a écrit :mais juste qu'en général il faut être attentif à ne pas s'enfermer dans des principes et à s'aveugler, surtout en sciences, car ça empêche le progrès.
C'est certain. Non seulement pour ce que tu dis mais en règle général, il vaut mieux se renseigner sur toutes les "nouveautés", aussi farfelues soit elles, ainsi que toutes les polémiques sur la médecine en général pour avoir les bons arguments pour les patients qui se seront suffisamment renseignés là dessus par leurs voisins ou par internet (on appelle ça le syndrome wikipedia).
Nanard a écrit : donc affirmer que l'homéopathie guérit le rhume parce que j'ai guérit pendant que j'en prenais, ça peut aussi me mener à penser que les bananes soignent le rhume. C'est pour ça qu'on a besoin de données empiriques pour affirmer quoi que ce soit en science, or on a littéralement aucune donnée de ce genre, l'efficacité en laboratoire n'a jamais pu être prouvée, l'homéopathie ne fait rien sur le corps qui puisse être observé, alors à moins d'être mystique, c'est pas vraiment rassurant.
Oui c'est le fond du problème. Mais ça a toujours existé (cf les films sur les westerns, tu as toujours dedans un marchand ambulant avec son remède qui fonctionne trop bien :p)
Et on pourra dire la même chose de plein d'autres choses (dont l'osteopathie pour la plupart non reconnue en France par les corps médicaux).
Nanard a écrit :
Ensuite tu oublies l'effet placebo qui fait que la guérison s'accélère où que les symptômes s'amenuisent parce que la personne croit prendre un médicament. Ça c'est quelque chose que la science arrive difficilement à expliquer dans l'immédiat tu vois, mais l'effet placebo est bel et bien observable empiriquement, et il peut être assez puissant pour que toute observation non scientifique de l'efficacité de l'homéopathie (par l'expérience personnelle) ne soit pas recevable.
C'est pas vraiment empirique, l'effet placebo est très facilement démontrable et de nombreuses études reposent dessus.
Par contre, tu le dis très bien, la plupart des études en faveur de l'homéopathie ne prennent pas en compte cet élément qui est pourtant primordial.
Kroki a écrit :Mais du coup lorsque tu refuses de prescrire les trucs de type homéopathie tu fais disparaitre la médecine placebo.
Encore une fois, l'un des soucis étant que l'homéopathie n'est pas un placebo pur et qu'il peut être dangereux d'en utiliser.
L'autre étant que j'ai vu des gens essayer de se soigner un cancer avec de l'homéopathie (et j'en ai honte mais j'en ai des exemples dans ma propre famille ...)
De même, normalement, l'utilisation de vrais placebo est interdite depuis quelques années (mais j'en vois encore d'utilisés).